La raison première de l'Aranui, je vous le rappelle est de transporter du fret entre Tahiti et les Marquises. Puis, pour rentabiliser les voyages, l'accueil des passagers a pris une place de plus en plus importante. L'Aranui 5 peut transporter jusqu'à 250 passagers. Cette fois-ci nous étions 198. Les personnes voyant seules occupent seules(moyennant un supplément) une cabine de 2. Le bateau n'est ainsi pas rempli. Aujourd'hui, le Queen Mary accueillant 2300 passagers vient d'arriver à Papeete. 2300 passagers !!! Sur l'Aranui, c'était chouette car on se connaissait tous et on faisait même la bise aux marins !
"Une aventure qui remonte à 1959. Pour mémoire, ce navire est le troisième de la compagnie, qui a débuté son activité en 1959 avec l’Aranui 1, racheté à un armateur néo-zélandais. De nombreuses îles polynésiennes étaient alors presque coupées du monde, certaines restant aujourd’hui très isolées. Dans cette perspective, l’Aranui 1 servait de lien indispensable entre les archipels et le reste du monde, permettant le transport de fret et de passagers, tout en soutenant le développement du commerce local. C’est en 1984, au moment où la croisière prenait son essor aux Etats-Unis, que CPTM a transformé son bateau en navire mixte, avant de décider en 1990 d’acquérir une unité plus grande. Ce fut l’Aranui 2, ancien fréteur exploité en Baltique et modifié en Allemagne avant de rejoindre la Polynésie. Il n’y naviguera qu’une douzaine d’années car il devint trop petit face au développement du transport de fret et du nombre de passagers accueillis à bord.
L’armateur polynésien décida alors de construire son premier navire neuf, l'Aranui 3, spécialement conçu pour servir à la fois de cargo et de bateau de croisière. Ses capacités étant à leur tour devenues insuffisantes, la construction d’un successeur plus grand et mieux adapté à la clientèle croisière a été lancée l'an dernier. Un investissement de 34 millions d'euros pour un bateau qui, logiquement, aurait du s’appeler Aranui 4. Cela étant, puisque ce chiffre ne porte pas bonheur dans la culture chinois et que dans le monde maritime on est toujours un peu superstitieux, il a été jugé préférable de passer directement au numéro 5… "
Chaque matin, les lève-tôt de notre espèce allaient assister aux manoeuvres pour décharger le fret. Avant cela, il fallait commencer par descendre les 2 barges. Nous avons été impressionnés par la dextérité des marins et du grutier qui, malgré le vent et les vagues menaient à bien toutes leurs opérations ! Les marins restaient debout en équilibre (avec un harnais de sécurité malgré tout !) sur les barges suspendues dans le vide...Tous les gestes étaient sûrs, précis, minutés.
Une fois les barges du fret descendues, les cales du bateau s'ouvraient et la grue allait "piocher" à l'intérieur tout ce qui était à décharger. Je ne sais pas comment le grutier faisait pour ne pas se tromper ! Il ne faut pas confondre ce qui doit descendre sur telle ou telle île...
La grue a intérêt à bien viser...ici des sacs de ciment mais il y a toutes les commandes des îliens: cadeaux de la famille de Tahiti, commandes internet, électroménager...En décembre, les cadeaux de Noël sont très attendus !
Et puis, encore plus surprenant, la grue décharge un pickup !
J'imagine que c'est le propriétaire du pickup qui vient avec sa coque alu vérifier que sa commande est bien livrée !
Cette fois-ci c'est un tracteur qui est déposé sur la barge ! Je vous assure, on ne s'ennuie pas sur l'Aranui avec un tel spectacle !
A Ua Pou, des containers frigorifiques de nourriture sont déposés directement sur le quai car le bateau a pu accoster.
A terre, les îliens nous attendent de pied ferme. Toutes les 3 semaines, l'arrivée du bateau est un évènement important. Chacun est là avec son 4x4 pour récupérer ses commandes puis pour faire partir ses colis.
Quand les barges de fret sont descendues, c'est au tour des barges de passagers, au nombre de 2 elles aussi.
Parfois, nous ne serons pas débarqués en barge mais en baleinière !
Sur le quai, les îliens ont amené tout ce qui va être embarqué sur le bateau pour repartir sur Tahiti ou sur une des îles des Marquises.
Le mutoi (prononcer moutoï: policier) est là pour surveiller que tout se passe bien. Les sacs de coprah de 25 kg sont vendus à l'usine de monoi de Tahiti.
Les contrôleurs (de l'Aranui) enregistrent tout ce qui va repartir sur le bateau. Dans les glacières à destination des familles habitant sur d'autres îles, on trouve du poisson, des langoustes, de la chèvre...Tout est congelé et stocké dans des containers réfrigérés. En attendant, ils décongèlent bien un peu quand même...
Les fruits des Marquises sont réputés et très appréciés sur les marchés de Tahiti. Chaque famille des Marquises vend sa récolte. Ce sont souvent les seules sources de revenus...Ici, des bananes, des citrons verts et des pamplemousses.
A Ua Uka, pas de quai...C'est la barge qui vient chercher le coprah. Les hommes de l'île portent 25 ou 50 kg sur leur tête jusqu'au bateau et en courant...
Ce jour là, ils touchent leur paie et c'est la fête. Les plus jeunes et les moins sages dépensent tout en bière. Ceux qui ont femme et enfants sont généralement plus économes. Ils remettent une partie de l'argent à leur épouse et dépensent l'autre en bière.
Quelle chance extraordinaire d'avoir voyagé sur un cargo mixte plutôt que sur un paquebot de croisière ! Non seulement nous étions peu nombreux mais nous avons pu vivre des moments exceptionnels, incroyables liés au fret. Quand nous remontions à bord, les marins avec qui nous avions sympathisés nous offraient des fruits qu'ils avaient embarqués pour leur consommation personnelle.
Tino (ce n'est pas lui sur la photo mais c'est le même genre de bonhomme !), le responsable du fret depuis 30 ans nous a raconté les débuts de l'histoire du fret sur l'Aranui. C'était encore plus dur et bien moins sécurisé que maintenant...Il nous a parlé des 7 marins morts sur les Aranui 1 et 2, tombés dans la cale ou heurtés par la grue...