P'tits billets de novembre-suite

 

Le 11

Pendant que Michel, Sébastien et Mary choisissaient du vin d’Anjou pour le mariage, je m’occupais de la maison et du repas : les filles n’ont pas fait honneur au « rougail » car elles avaient grignoté toute la matinée à la foire aux vins, qui proposait bien d’autres dégustations surtout fromagères. Je ne sais si la colère a lieu d’être pour le passé, mais lorsque je vois des hommes innocents fusillés pour l’exemple, comme dans le film sur la guerre de 14 d’hier soir à la télé, Cela me rappelle tous ces bretons fusillés parce qu’ils ne comprenaient pas le français et je ne peux me départir de ce sentiment !

Le 12

L’association « La libre pensée 29 », elle aussi, pense aux « fusillés pour l’exemple ». Ses membres se sont rendus au monument aux morts de Primelin, qui représente un enfant repoussant les guerres symbolisées par des livres datés. Elle réclame par ailleurs la réhabilitation de ces 639 soldats français dont 7 finistériens, ainsi que ceux de toute l’Europe. La violence  me fait moins peur, qu’elle ne me révulse ; qu’elle soit dirigée contre des êtres humains, des animaux et mêmes des arbres : je suis triste, lorsque l’on coupe des arbres centenaires sans raison valable, autre que purement mercantile (ainsi les oliviers d’Espagne déplacés qui mourront, pour la plupart, de stress et faute de racines suffisantes.)

Le 13

Notre pays est bourré de talents, il suffit de lire les journaux et regarder la télévision pour en prendre conscience. Je suis bien d’accord avec Mr Bayrou et Henri IV, pour dire et redire que la diversité est source de bonheur. Mes parents et grands-parents auraient été si contents de savoir que leur métier intéresse à nouveaux des jeunes, surtout femmes. L’une d’elle, Léna Chrétien, qui rejoint l’association  « Art Gwenn ha Du » s’est installée à Henvic et participe au 5° salon des créateurs d’art de Roscoff. Elle dit : «  Je souffre de savoir que des meubles partent en fumée quand ils peuvent être restaurés et relookés…Tapissier est un très vieux métier ! Il existait déjà sous Louis XIV. D’ailleurs le père de  Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, exerçait cette profession ; C’est un métier d’hommes à la base, leurs femmes faisaient la couture. Le travail demande une certaine force physique, tout est fait à la main… » Je me retrouve dans l’ambiance de l’atelier parental où travaillaient, à l’ancienne, trois hommes et trois femmes » Merveilleux !...La transmission perdure pour le bien de tous. 

Le 14

Nous avons passé le plus clair du temps devant la télé où les nouvelles passaient en boucle… seule interruption avec la visite surprise des voisins de notre  ex-maison de Cancale, dont le fils habite ici. Il occupe, avec son épouse et leur fille Garance, l’ancienne maison de Loïc, notre paysan bretonnant-écolo, qui vit maintenant au milieu de ses champs.

Nous sommes en guerre et il nous faut entrer en résistance contre la peur et la violence.

Le 15

Incroyable mais vrai : un jeune ex-étudiant a fabriqué un mobilier pour étudiant dans une caisse d’un mètre  cube contenant : un lit, deux sièges, deux tables, des rangements. Seuls inconvénients : le bois pèse trop lourd et le tissu du canapé lit laisse à désirer. Le tout va être corrigé et ce mobilier sera en vente l’an prochain. Je me régale chaque jour de toutes ces trouvailles et de l’imagination des jeunes. Ce mobilier pourrait bien servir également à équiper les chambres des émigrés.

Le 16

Le ciel pleure…chantons avec France Gall : « Résiste »

Frédéric  Lenoir sort un nouveau livre sur la joie, à ne pas confondre avec le bonheur (un état) ou le plaisir qui est éphémère. La joie est un sentiment plus intime et profond de plénitude : celui de faire corps avec la création, la vie, une histoire universelle. Rien n’est anodin : un geste, une pensée positive…a une conséquence. ; que l’on en ait conscience ou pas. Mais le savoir et le vivre est source de Joie. C’est la joie promise par Jésus, qui peut m’accompagner jusqu’à la fin de mon passage sur terre.

Le 17

Le plaisir fait partie de la joie : me sentir émue par un beau paysage, un lever de soleil…et me dire : « je fais partie de toute cette beauté de la création » me met le cœur en joie. Lire un livre qui m’enchante et me dire : « celui qui l’a écrit est mon frère en humanité » et en être fière, c’est tout bonnement merveilleux ! Avoir envie de secouer l’inconscient, qui se conduit mal, veut bien dire qu’il ne m’est pas indifférent, il est aussi mon frère. Pleurer face à la  violence, signifie bien que l’humain me tient à cœur. La joie profonde est faite de rires et de larmes ; elle est la preuve de notre vitalité.

Nous sommes si heureux d’avoir eu des nouvelles de Jean-Christophe et de la cérémonie à St Cyr. Bravo ! (Ceci me rappelle ma participation au bal de St Cyr à la mairie de Rennes, en robe longue, j’avais 18 ans…il y a si longtemps !...) Nous sommes très fiers de nos petits neveux, autant que de nos petits-enfants, et toujours ravis d’avoir de leurs nouvelles. 

Le 18

Une publicité pour la volaille, présentant trois poules caquetant et dansant le french-cancan, fait dire à Mimi : « voilà les filles Marie ! » Je suis d’accord pour le caquetage, mais pour le reste, nous n’étions pas assez sportives et encore moins maintenant, pour ce genre de performance, d’autant qu’elle eût été déplacée pour trois demoiselles de bonne famille ! D’ailleurs, il a tout faux ; car les poules en question sont blanches, genre « Sussex », et les poules rennaises sont noires à points blancs : des  « Coucous ». C’est sans doute pour cela que je commence souvent mes envois par : « Coucou ". 

Le 19

Venu pour 6 mois à Roscoff, dès 1910, Mathurin Méheut y restera 2 ans, réunissant la somme de ses aquarelles, dessins, croquis dans un ouvrage exceptionnel : « L’Etude de la Mer » L’océanographe-biologiste Michel Glémarec commente chaque reproduction du peintre dans un ouvrage : « La biologie littorale vue par Mathurin Méheut »paru chez Locus Solus. Je n’oublie pas que ce peintre est l’un des préférés de Jean-François. C’est un peintre que j’aime beaucoup aussi.

Le 20

Départ de Claudine sous la pluie. Elle me laisse un souhait : lui trouver des sacs avec anses pour les marins des bateaux qui font escales à Brest. Ils font des courses, mais n’ont pas de sacs suffisants grands et solides pour les transporter à bord. C’est épatant, car j’en ai déjà un bon stock, puisque je ne jette rien. Quand je n’en aurais plus, je lancerai un appel alentours. Je vais d’ailleurs solliciter le secours catholique pour des chaussures d’hommes tailles 42,43. Denise, ma sœur franciscaine, qui se démène dans une association d’aide aux SDF et réfugiés,  nous a dit en manquer. 

(Mathurin Méheut)