Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Carpe Diem
Archives
Derniers commentaires
30 mars 2020

La culpabilité

20200329_153020

Suite à mon message où je parlais de l'éventuelle culpabilité que l'on pouvait ressentir à être heureux en ces temps où la mort rôde, voici un long extrait tiré d'un article lu ce matin ici

Les Fabuleuses, faut qu’on parle. L’heure est grave et j’aimerais qu’on prenne chacune le temps de s’arrêter un peu pour réfléchir.

Faut qu’on parle, vraiment et les larmes coulent alors que je t’écris… parce que ma peine est réelle pour nous, pour vous, pour nos pays, pour nos aînés, pour nos malades, pour nos soignants, pour nos caissières, pour nos éducateurs spécialisés, pour nos postiers, pour nos mamans, pour nos enfants, pour nos policiers, pour nos agriculteurs, pour nos pompiers, pour nos papas, pour nos aides-soignants, pour nos infirmières à domicile, pour nos voisins, pour nos grands-parents, pour notre communauté des Fabuleuses.

Je pleure parce que tout ça me dépasse, m’effraie et me rend bien impuissante. Alors il faut qu’on parle, les Fabs.

(...)

Oui, c’est dur (révoltant même) de lire qu’une maman se plaint de devoir s’occuper de 24h/24 7j/7 de ses enfants quand toi-même, tu rêverais de pouvoir le faire et que tu dois aller travailler, que tu dois te mettre en danger et mettre ta famille en danger. C’est une peine qui s’ajoute à ta peine, c’est un coup de couteau dans le dos, c’est inimaginable que la vie soit si cruelle.

À un autre niveau, ça nous bouleverse de voir que certaines de nos copines se révèlent être des supers institutrices à la maison, qu’elles semblent tout gérer avec doigté et légèreté alors que toi tu n’as déjà peut-être même pas encore compris comment fonctionne l’imprimante et que tes enfants ont plus regardé Netflix la semaine dernière que durant les 6 derniers mois.

D’autres encore essayent de survivre dans un mini-appartement sous les toits avec un bébé, un enfant à tendance hyperactive et un ado qui n’a même pas encore remarqué qu’il est en confinement parce que son jeu en ligne dure depuis 14 jours non-stop.

Et, si certaines jouissent d’un immense jardin orienté plein sud et d’un tout nouveau trampoline, elles ont peut-être un mari nerveux, sur les dents parce que son entreprise est en train de couler et qu’il ne sait pas comment payer ses employés.

Ce qui nous sépare c’est toute cette injustice de base.

LA VIE ne distribue pas les cartes de manière égalitaire. Je ne vis pas dans un camp de réfugiés, je ne suis pas née avec un handicap, et pas non plus dans une famille de la noblesse anglaise (pardon, je ris un peu, j’ai rêvé pendant longtemps d’épouser le prince Philippe et de devenir reine des Belges, mais au fond, le protocole ça n’aurait vraiment pas été mon truc).

Certains naissent ou développent une capacité à s’adapter à ce temps de crise avec une certaine aisance, d’autres (comme moi) ont une histoire personnelle qui fait qu’elles ont besoin d’un soutien psychologique pour gérer angoisses et cauchemars.

ALORS oui, on la gravit tous cette montagne et on en paye tous le prix mais on n’a pas tous les même outils pour grimper.

Soyons respectueux de l’autre et de son équipement :

Tu ne connais pas tous les tenants et les aboutissants. Cette maman hyper clean et organisée que tu vois poster des super planning de programme scolaire et sportif adaptés à chacun de ses enfants, elle est peut-être désespérément en train de tenter de créer du sens dans le non sens, elle a peut-être un besoin démesuré de contrôle et pleure peut-être toutes les nuits en s’endormant : tu ne le sais pas.

Ce n’est pas qu’elle est « top » et que toi tu es « flop ». Elle est elle et toi… eh bien, tu es ce que tu es.

On fait tous ce qu’on peut avec la donne qu’on a reçue, parfois on fait mieux, parfois on fait pire.

J’aime beaucoup cette phrase que j’ai découverte chez une maman canon, ordonnée, sympa, ayant adopté 3 enfants dont 2 porteurs de trisomie 21. Sur les réseaux sociaux, elle disait face à la caméra :

« You do you »

J’avoue, après l’avoir suivie un temps, j’ai réalisé que je me comparais bien trop à elle et je me suis désabonnée parce que je me sentais nulle en comparant mes tailles de jeans, mes cernes et mon côté plus “relax”. 

« Elle est top et moi je suis flop. »

(...)

On a chacun nos challenges, nos super pouvoirs, nos ombres et nos lumières.

(...)

Avant de clôturer cet article, j’aimerais te parler de quelque chose qui m’a beaucoup touché lorsque je l’ai appris. Après la guerre, les personnes qui ont pu sortir vivantes des camps de concentration avaient parfois ce qu’on appelle un syndrome du survivant. Le sentiment extrême de ne pas mériter de vivre alors que tant d’autres y étaient restés. Tu connais ça aussi ? Le sentiment de ne pas pouvoir apprécier ton présent parce que constamment tu repenses à ceux qui vivent pire.

 

(...)

Je sais, c’est dur à entendre mais il faut que je dépose cette culpabilité. Il faut que tu déposes cette culpabilité.

Pour faire honneur à ces victimes et à leurs difficultés, je choisis de m’occuper de mes filles du mieux que je peux afin qu’elles apprennent un jour un métier et qu’elles fassent à leur tour une différence dans la société. Et je prends ma petite Pia dans les bras, je pars marcher dans la nature avec elle, je lui montre qu’elle m’est importante, si précieuse… Je le fais par respect pour un vieil ami américain qui se bat en réanimation pour l’instant. Je prie pour lui, je reste chez moi, je prends soin de moi, des autres, je tiens bon… pour lui aussi !

Oui, nous payons toute un prix pour gravir cette putain de montagne,

Oui, la vie est terriblement injuste et on n’a pas tous les mêmes capacités pour grimper,

Oui, on est fatiguées et on se blesse mutuellement par nos comparaisons et incompréhensions,

Mais oui, nous pouvons vivre notre présent et les petits bonheurs qui sont les nôtres parce que s’en priver n’aidera personne,

Et oui, on peut tendre la main à l’autre pour gravir cette putain de montagne.

(...)

Il faut réveiller la solidarité, l’alimenter concrètement : il faut PARLER vrai, ne pas supposer et oser demander de l’aide concrètement (aussi à vos maris, aussi à vos enfants, aussi aux politiques, aussi à nos parents, à nos amis) !

Alors oui, on va la gravir cette putain de montagne mais tous ENSEMBLE :

On n’y arrivera pas seul.

PS : Nous ne sommes pas en guerre et le personnel médical n’est pas héroïque… Nous faisons face à une pandémie, qui menace la santé de beaucoup et qui bouleverse notre quotidien à tous. Nos infirmières et nos médecins, nos travailleurs sociaux et nos éducateurs, nos caissières et nos postiers SONT des personnes humaines. Elles ne peuvent pas se battre comme des héros, elles n’ont pas de superpouvoirs. Elles ont besoin d’un soutien réel, matériel, psychologique, etc.

Elles ont besoin de moyens adéquats, d’espace et de temps pour respirer, elles ont besoin d’une écoute professionnelle et adéquate. Personne n’est un héros, parce qu’un héros n’a pas besoin d’aide et nos concitoyens mobilisés ont besoin de protection et de moyens pour agir au mieux et en sécurité. Et la première chose dont ils ont besoin, c’est qu’on reste à la maison pour ne pas augmenter les cas d’infections ! Pour information, si vous faites partie du personnel médical et que vous avez besoin de soutien psychologique, il existe des psychologues qui sont là pour vous écouter.


CET ARTICLE A ÉTÉ ÉCRIT PAR :
REBECCA DERNELLE-FISCHER

Psychologue d’origine belge, Rebecca Dernelle-Fischer est installée en Allemagne avec son mari et ses trois filles. Après avoir accompagné de nombreuses personnes handicapées, Rebecca est aujourd’hui la maman adoptive de Pia, une petite fille porteuse de trisomie 21.
https://dernelle-fischer.de/

> PLUS D'ARTICLES DU MÊME AUTEUR

Publicité
Commentaires
Carpe Diem
Publicité
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 224 515
Publicité