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5 septembre 2021

Eve

 Suite à la demande de Geneviève, en voici un peu plus sur Péguy et son poème "Eve, première mortelle" dont il est question dans l'article d'hier. Je surligne en bleu dans le poème quand il est question "de ranger Dieu lui-même".  

Péguy, journaliste et philosophe 

C’était au cours de l’année 1913. En six mois, au retour d’une marche à Notre-Dame de Chartres, Charles Péguy écrit avec fougue, ferveur et foi un long poème sur la Création qu’il publiera en décembre dans les Cahiers de la Quinzaine.

Ce poème, si long qu'il est un livre à lui seul, je ne vous en propose qu'une infime partie, celle relative au rangement. Que c'est beau ! Il y a quelques années, ma soeur Pascale qui en connaît une grande partie par coeur (moi, un tout petit peu...) m'en a recopié un passage d'une belle écriture à la plume, sur des panneaux de papier que j'ai affichés à Lannois. 

Eve Charles Peguy à prix bas - Promos neuf et occasion | Rakuten

   Vous pouvez lire l'intégral du poème ici. 

 

                          ¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨

Et vous seule vivace et seule industrieuse,
Vous vous dépensez toute, ô seule besogneuse,
À laver la vaisselle et ranger la maison.

Ô vous qui pourchassez jusqu’au fin fond des coins
La poussière et l’ordure et toute impureté,
Toute disconvenance et toute improbité.
Maîtresse des labeurs, des veilles et des soins,

Vous qui prenez ce bois pour allumer la lampe
Et la mettre au milieu de la table servie,
Et qui prenez ce lin pour essuyer la rampe,
Et qui rangez les fleurs et qui rangez la vie,

Ô femme qui rangez les travaux et les jours,
Et les alternements et les vicissitudes,
Et les gouvernements et les sollicitudes,
Et la vieille charrue et les nouveaux labours.

Ô femme qui rangez les palais et les tours,
Et les retournements et les iniquités,
Et la jeune détresse et les antiquités.
Et la vieille tendresse et les nouveaux amours,

Femmes, je vous le dis, vous rangeriez Dieu même,
S’il descendait un jour dedans votre maison.
Vous rangeriez l’outrage, et l’oubli du blasphème,
Si Dieu vous visitait dedans cette prison.

Femmes, je vous le dis, vous rangeriez Dieu même,
S’il venait à passer devant votre maison.
Vous rangeriez l’offense, et le pouvoir suprême,
S’il venait à passer devant votre raison.

Que n’avez-vous rangé la colère divine.
Que n’avez-vous lavé la grande iniquité.
Il était temps alors. Que n’avez-vous quitté,
Quand il en était temps le creux de la ravine.

Femmes, je vous le dis, vous rangeriez la foudre.
Si Dieu vous l’envoyait dedans votre maison.
Vous rangeriez la grâce, et le pouvoir d’absoudre,
Si Dieu vous visitait dedans cette prison.

Que n’avez-vous rangé le premier anathème,
Cette fois qu’il tomba sur votre solitude.
Que ne l’avez-vous mis dedans votre système
De bon gouvernement et de mansuétude.

Femmes vous rangeriez jusqu’à l’eau du baptême,
Si Jean redescendait vers un nouveau Jourdain.
Vous rangeriez l’hostie, et l’huile, et le saint-chrême
Si l’homme revenait dans le premier jardin.

Femmes vous rangeriez dedans votre cuisine
Avec le pain du corps le pain spirituel.
Que n’avez-vous rangé jusque dans sa racine,
(Il était temps alors), l’arbre intellectuel.

Que n’avez-vous rangé l’arbre perpétuel
Cette fois qu’il jaillit au creux de la ravine.
Que n’avez-vous rangé l’arbre contractuel
Cette fois qu’il jaillit au flanc de la colline.

Que n’avez-vous rangé la couronne d’épine
Quand elle était encore un timide bourgeon.
Que n’avez-vous rangé cette blanche aubépine
Quand elle était encore un candide surgeon.

Que n’avez-vous rangé cette rouge églantine
Quand elle était encore une naissante rose.
Que n’avez-vous rangé la colère latine
Quand elle était encore une naissante cause.

Que n’avez-vous rangé le sceptre dérisoire
Quand il était encore un fragile roseau.
Que n’avez vous rangé la couronne illusoire
Quand elle était encore un fragile réseau.

Que n’avez-vous rangé pour la première fois
Quand il était encore un fragile arbrisseau
L’arbre au double destin, l’arbitre au double sceau,
L’arbre de la science et l’arbre de la croix.

Que n’avez-vous rangé dans un âge absolu
Quand il était encore un arbre jouvenceau,
L’arbre au double destin, l’arbitre au double sceau,
L’arbre de la potence et l’arbre du salut.

Que n’avez-vous rangé dans un ordre absolu
Avant qu’il fût entré sous la seconde loi,
L’arbre au double destin, l’arbitre de la foi,
L’arbre de la créance et l’arbre du salut.

Que n’avez-vous lavé, diligente laveuse,
Mon front ensanglanté devant qu’il fût sanglant.
Que n’avez-vous alors, ô grande lessiveuse.
Lavé ma pâle face et mon auguste flanc.

Que n’avez-vous alors, ô femme de lessive.
Lavé ma barbe rousse et mes cheveux sanglants.
Que n’avez-vous alors, maternelle et pensive,
Soutenu ma faiblesse et mes pas chancelants.

Que n’avez-vous alors, aïeule au chef branlant,
Quand j’étais plein d’injure et couvert d’avanie,
Que n’avez-vous alors, aïeule au chef tremblant,
Essuyé cette ordure et cette ignominie.

Que n’avez-vous alors, ô femme de journée,
Préparé la maison pour la dernière fête.
Que n’avez-vous alors, ô laveuse acharnée,
Lavé mes cheveux roux et ma barbe défaite.

Que n’avez-vous alors, aïeule et châtelaine.
Balayé le château pour mon dernier repas,
Et balayé les fleurs pour mon dernier trépas,
Et balayé la mort pour ma dernière Cène.

Que n’avez-vous aussi balayé les soldats,
Et l’injustice assise au cœur du tribunal.
Et le treizième apôtre et le baiser vénal,
Et le consentement aux lèvres de Judas.

Que n’avez-vous alors, ô femme de ménage,
Essuyé le péché devant qu’il fût commis.
Que n’avez-vous enfin dans votre voisinage
Accueilli le sauveur avant qu’il fût promis.

Que n’avez-vous alors, ô mon âme, ô ma mère.
Essuyé les deux pleurs jaillis des mêmes yeux.
Que n’avez-vous alors, ô cent fois centenaire,
Recueilli le seul cri poussé vers d’autres cieux.

L'eve De Peguy (Essai De Lecture Commentée Suivi De Documents Inédits) de BEGUIN ALBERT

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Commentaires
P
en fait, le poème fait 239 pages dans le format de la pléiade;<br /> <br /> sachant qu'il y a 8 quatrains sur chaque page je vous laisse faire le calcul...<br /> <br /> et en fait, ce poème est là pour glorifier ....Jeanne d'Arc en opposition à Eve !!! voilà les 2 derniers quatrains du poème :<br /> <br /> "Et l'une est morte ainsi d'une mort solennelle<br /> <br /> sur ses quatre-vingt-dix ou quatre vingt douze ans<br /> <br /> et les durs villageois et les durs paysans,<br /> <br /> la regardant vieillir l'avaient crue éternelle.<br /> <br /> <br /> <br /> Et l'autre est morte ainsi d'une mort solennelle,<br /> <br /> elle n'avait passé ses humbles dix-neuf ans<br /> <br /> que de quatre ou cinq mois et sa cendre charnelle<br /> <br /> Fut dispersée aux vents."
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G
Merci véro!!
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