Recevoir un cadeau

Hello Véronique !

Je devais avoir une dizaine d’années. C’était un réveillon de Noël ou alors une soirée d’anniversaire, je n’en suis plus très sûre. En tout cas, nous étions partis à l’autre bout de la France pour passer quelques jours chez des proches. Leur fille aînée, de quelques années plus âgée que moi, était la filleule de ma maman.

En tant que marraine, ma maman avait prévu un cadeau très spécial pour sa chère filleule : une montre. Cette montre, j’étais allée la choisir quelques jours plus tôt avec ma maman chez le bijoutier, et je la trouvais particulièrement belle, élégante et sensationnelle, une vraie montre “de grande”. Et quoiqu’un peu envieuse, j’étais sincèrement surexcitée à l’idée de voir ce cadeau être déballé.

Quand le grand moment est arrivé, la filleule de ma maman a ouvert le boîtier de velours et s’est exclamée : 

« Oh, mais fallait pas ! »

Cette phrase, elle l’a répétée plusieurs fois : « Fallait pas ! »

« Fallait pas » : une formule de politesse utilisée par cette jeune fille, certainement très embêtée d’être la seule à recevoir un si beau cadeau ce soir-là.

« Fallait pas » : tandis que la filleule de ma mère répétait ces deux mots, je me souviens encore de la confusion qui s’était emparée de moi. Comment ça, fallait pas ? Tu ne l’aimes pas, cette montre ? Si tu n’en veux pas, donne-la moi !

Si ce souvenir est resté si vif dans ma mémoire, c’est certainement avant tout parce que cette montre me faisait tant envie ;-) Mais aussi, je crois, parce qu’en tant que petite fille, ce « Fallait pas » m’avait profondément gênée — il avait dû résonner en moi comme un excès de bienséance que du haut de mes 10 ans, je n’avais pas su décoder.

Contrairement à cette ado, je devais encore avoir ce cœur d’enfant qui ne pouvait pas concevoir en quoi il était si compliqué de se réjouir franchement, en déballant un si joli cadeau.

Aujourd’hui, je suis adulte (enfin je crois, même si j’en doute un peu parfois^^) et je comprends mieux la réaction de cette jeune fille. Recevoir, cela peut s’avérer si difficile ! Recevoir, cela demande de faire preuve d’ouverture et de vulnérabilité.

Comme l’a dit Yolande Ziegler-Schwab dans une interview pour les Fabuleuses : nous devons tous apprendre à « recevoir sans méfiance, a priori ou jugement préétabli. Beaucoup d’entre nous sont des “infirmes du recevoir”, c’est-à-dire qu’ils ne savent pas recevoir avec simplicité, humilité et reconnaissance, que ce soit des compliments, de l’aide, des marques d’attention, de l’admiration… »

Pour plein de raisons, nous préférons prouver que nous sommes capables de faire les choses par nous-même, plutôt que de laisser quelqu’un prendre soin de nous. Et surtout, nous nous inquiétons de ne pas mériter ce qu’on nous offre… alors nous préférons refuser les cadeaux (ou refuser de les recevoir de tout notre coeur), par peur de nous sentir redevables.

« Je ne le mérite pas » : pour la plupart d’entre nous, c’est certainement le plus gros frein à notre capacité à recevoir. 

Alors Véronique, à l’approche de Noël, j’aimerais te rappeler ceci : mériter et recevoir n’ont rien à voir !

Une chose méritée est une chose que l’on a gagnée au prix de nos efforts. Quand tu reçois un cadeau, tu ne l’as pas gagné ! C’est précisément pour cela que c’est un cadeau — par nature, un cadeau est impossible à mériter.

C’est la raison pour laquelle on parle de “cadeaux” d’anniversaire, et non de “compensations” d’anniversaire : ils ne sont pas des salaires que nous aurions gagnés, mais les expressions de l’appréciation que les autres ressentent envers nous.

Voilà pourquoi, paradoxalement, la capacité à recevoir est un magnifique cadeau que nous faisons à ceux qui essaient de nous donner.

On connaît tous quelqu’un qui est incapable de recevoir un cadeau, de l’aide ou des compliments… et on sait tous que c’est terriblement frustrant. Parfois, en tant que “donneur”, on peut même se sentir profondément rejeté lorsque l’autre refuse d’accepter.

Quand on dit « Je ne mérite pas ce cadeau », on est en fait tourné sur soi-même : on accorde toute notre attention à notre propre embarras, inconfort ou peur d’être redevable… mais recevoir vraiment, c’est donner toute notre attention à la générosité de celui qui le donne, et au message d’amour qu’il essaie de nous faire passer !

J’irais même jusqu’à dire que ne pas recevoir est égoïste, tandis que recevoir est généreux :-) On offre sa vulnérabilité, on ouvre son cœur, on y fait une place pour accueillir l’expression d’affection qui nous est envoyée.

Le mot de la fin est à Yolande : « Il n’y a qu’une seule chose à dire quand on reçoit : MERCI ! »

:-)

Que ta journée soit belle,
Hélène