Depuis sa légalisation en 2002, le commerce des mères porteuses rémunérées (gestation pour autrui, GPA) est en plein essor en Inde. De plus en plus de célibataires et de couples homosexuels étrangers recourent à des mères porteuses en Inde, car cette pratique est interdite dans leur pays, comme en Europe, ou parce qu'elle y est plus coûteuse et régulée, comme aux Etats-Unis.

Les nouvelles règles, transmises aux ambassades étrangères fin 2012, sont une première tentative de réguler un tourisme procréatif en pleine croissance.

Elles stipulent que les couples étrangers souhaitant avoir recours à une mère porteuse en Inde doivent désormais être "un homme et une femme, mariés depuis au moins deux ans".

Cette nouvelle directive, mise en ligne sur le site du ministère indien de l'Intérieur, a suscité les vives critiques de cliniques de fertilité, dont le fonds de commerce est affecté, et de militants pour les droits des homosexuels.

"Etre parent est le droit de tous et maintenant on est en train de retirer ce droit", a regretté Rita Baskshi, qui dirige le Centre international de fertilité à New Delhi. "Ces règles sont vraiment très malvenues, vraiment restrictives et très discriminatoires", a-t-elle insisté, interrogée par l'AFP.

Selon un médecin spécialiste en fertilité, Anoop Gupta, "c'est un énorme déchirement pour les couples homosexuels et les célibataires".

Ces changements, passés inaperçus lors des derniers jours de 2012, viennent juste d'être répercutés par la presse indienne.

"C'est totalement injuste, non seulement pour les couples gays mais aussi pour ceux qui ne sont pas mariés et qui vivent peut-être ensemble depuis des années, et pour les célibataires", a dénoncé auprès de l'AFP un militant des droits des homosexuels, Nitin Karani.

L'Inde est l'une des destinations plébiscitées par les couples homosexuels voulant avoir un enfant, même si le pays reste encore très fortement conservateur: les relations physiques consentantes entre adultes de même sexe n'ont été dépénalisées qu'en 2011.

En Inde, avoir un bébé en recourant à une mère porteuse coûte entre 13.500 euros et 22.500 euros, dont environ 6.000 euros pour payer la mère, selon Rita Bakshi. Ces chiffres sont environ trois fois moins élevés qu'aux Etats-Unis.

L'Inde a également précisé que les couples désirant un enfant devront désormais fournir la preuve que leur pays d'origine accordera bien la nationalité au bébé né d'une mère porteuse.

Au cours des dernières années, des bébés nés de mères porteuses à l'étranger ont ensuite eu des difficultés à obtenir une citoyenneté parce que le pays d'origine de leurs parents, où la pratique des mères porteuses est interdite, leur refusait un passeport.

"Utérus à louer"

Recourir à une mère porteuse est interdit dans plusieurs pays européens et cette pratique fait l'objet d'une stricte réglementation aux Etats-Unis.

En France, où le gouvernement essaie de faire passer une loi controversée autorisant les homosexuels à se marier, la ministre de la Justice Christiane Taubira a dit récemment "réfléchir" à la question de la transcription à l'état-civil français des actes de naissance d'enfants nés à l'étranger par mères porteuses, alors que les tribunaux ont pris des décisions différentes sur des cas individuels.

Les nouvelles règles indiennes, qui précisent que les couples devront désormais demander un visa médical et non plus un visa touristique, ont été annoncées alors qu'un projet de loi sur la GPA doit être adopté au parlement.

Ce texte stipule que seules les femmes âgées de 21 à 35 ans peuvent prétendre à être mère porteuse mais il ne fixe aucun seuil minimum de rémunération pour la mère. Le nombre d'Indiennes ayant tenu ce rôle n'est pas connu, mais il est en progression, selon médecins et experts.

Le gouvernement indien cherche à faire de l'Inde une destination phare d'un "tourisme médical" pourvoyeur de devises, en faisant valoir les prix abordables pour des opérations dentaires ou de chirurgie esthétique notamment.

Mais voir de riches étrangers payer des Indiennes pauvres pour avoir un enfant soulève des questions éthiques chez beaucoup d'Indiens.

Certains estiment que le manque de législation encourage une économie de l'"utérus à louer" et facilite l'exploitation de femmes défavorisées.

Au-delà de savoir qui peut recourir aux mères porteuses, "la question principale porte sur la pratique même de la gestation pour autrui dans un pays où les femmes n'ont pas de ressources financières", estime l'association pour le droit des femmes All India Democratic Women's Association. "Notre inquiétude concerne ces femmes qui doivent utiliser leurs corps pour subvenir à leurs besoins", a expliqué à l?AFP Sudha Sundararaman, sa secrétaire générale.